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Les stratégies nationales anti-COVID-19 sont-elles vraiment des fascismes?

7 décembre 2020

Plusieurs commentateurs mettent en avant l’indifférence des masses face au nouveau fascisme sanitaire qui s’est installé dans un certain nombre de pays d’Europe. Il faut discuter le terme fascisme : est-il vraiment approprié ?

Caricature du congrès international fasciste de Montreux (Fuzier), 1931. Image dans le domaine publique.

Qu’est-ce vraiment (techniquement) que le fascisme?

Le terme fascisme se réfère à une conception de l’Etat qui était celle du gouvernement installé par le dictateur Benito Mussolini au landemain de la Première guerre mondiale.

Définition technique du fascisme

Pour ce terme, mieux vaut traduire mot à mot la définition d’un dictionnaire italien de référence, le Treccani:

Au sens abstrait, l’ensemble des idéologies et des conceptions (corporativisme économique e centralisation administrative en politique interne, expansionisme impérialiste en politique extérieure) qui en constituèrent le fondement théorique, c’est-à-dire la doctrine. Le terme a été ensuite étendu, de manière plus ou moins fondée, pour désigner d’autres mouvements nés surtout en Europe entre les deux guerres mondiales, et ensuite également dans des pays en dehore de l’Europe, ayant des caractéristiques semblables à celles du fascisme italien: le f. espagnol, le f. des colonels en Grèce. 1

Le terme corporativisme est mal connu en dehors de l’Italie, et c’est bien dommage.

Qu’est-ce que le corporativisme (fasciste) ?

Doctrine et pratique politico-sociale (…) reprise par le fascisme (et mise en oeuvre avec des nuances variées, en Espagne, Portugal, etc.) qui lui donna des caractères fortement conservateurs et autoritaires afin de dépasser les luttes de classe (en partic. entre capital et main d’oeuvre) à travers l’action conciliatoire et exécutoire de l’Etat; le système est basé sur des corporations qui représentent à la fois les travailleurs et les entrepreneurs, auxquels on interdit les moyens respectifs d’auto-défense (comme la grève et le lock_out) et remplacés par la médiation de l’Etat.

Autrement dit, le corporativisme est un système dans lequel l’Etat se substitue d’autorité aux partenaires sociaux et politiques de la démocratie.

Donc la vraie question, qui est le titre de ce billet, doit être précisée:

Question de l’assimilation de la politique sanitaire du COVID-19 au fascisme

La politique sanitaire actuelle (telle que préconisée par l’OMS et pratiquée par les gouvernements français, suisse et belge) en matière de lutte contre le COVID-19, peut-elle être comparées aux conceptions idéologiques du fascisme italien de l’Entre-deux-guerres?

En particulier, possède-t-elle des caractères reconnaissbles de

  • corporativisme ?
  • centralisation administrative ?

La politique sanitaire de 2020 est-elle une centralisation de l’Etat?

Sur le plan de la centralisation administrative, la réponse est assez évidente: il n’y a pas besoin de s’étendre sur le fait que les pouvoirs exécutifs des différents pays, on recourru:

  1. Au droit d’urgence instauré par les gouvernements nationaux
  2. À la marginalisation des parlements des processus de décision, avec l’adjonction de lois urgentes à l’arsenal législatif. Et
  3. À l’exclusion des citoyens de toute légimité d’intervenir, non seulement dans les processus de décision, mais aussi dans le débat d’idées.

Il y a clairement, à ce stade, une suspension des valeurs de la démocratie (fondées sur l’expression des avis différents et la recherche de consensus); qui se manifeste non seulement aux niveaux de l’OMS, de l’Union européenne, et des gouvernements nationaux.

Le mot communiquer est unidirectionnel: il va du gouvernant au citoyen, et il ne voyage jamais dans le sens inverse. Il est question de pédagogie, de lutter contre la désinformation (sans que ce terme ne soit défini proprement). C’est clairement une situation où l’Etat affirme son autorité non seulement politique, mais aussi idéologique sur le citoyen.

Du statut de citoyen à celui de sujet

En 2019, un citoyen qui élevait la voix pour exprimer un avis politique, était considéré responsable. Aujourd’hui, il est officiellement critiqué comme irresponsable : les deux valeur officielles de l’Etat sur le comportement idéal du citoyen sont le silence et l’obéissance. Autrement la renonciation (pour une période indéterminée) à leur statut de citoyens d’un Etat de droit démocratique; ils sont désormais des sujets de l’Etat, c’est à dire soumis à une autorité souveraine qui est en dehors d’eux.

L’autoritarisme sanitaire de 2020 est-il un corporativisme ?

Or si on applique cette définition à 2020, peut-on voir un corporativisme dans la gestion de la crise?

Là où on peut le voir, très certainement, c’est dans la réorganisation des systèmes nationaux, sous l’égide de tasks forces COVID-19, qui en fixent la doctrine et l’application.

Les médecins de ville et les cliniques privées ont été exclus des processus de décision; ils ont ainsi vu leurs choix thérapeutiques redéfinis et restraints par ces task forces.

Les tasks forces COVID-19 sont des entités corporativistes

Ce qu’on reconnaît dans le discours de ces task forces, est une revendication de représenter non seulement la science, mais aussi toute la profession médicale. Ils parlent au noms des soignants, des médecins, des biologistes, de tout le monde. Ne prétendant pas concilier, ils prennent de façon routinière, des décisions exécutoires, qui influence non seulement les pratiques thérapeutiques, mais aussi les processus administratifs.

Et de même, leurs décisions ont aussi une influence sur les processus démocratiques, puisqu’elles définissent (au moyen de protocoles sanitaires) dans quelles conditions les processus de décision politique peuvent se dérouler, notamment au parlement et sur la place publique (dans la rue).

En d’autres termes, il faut reconnaître qu’elles ont le pouvoir d’altérer, retarder, stopper les processus de décision politique ordinaire de l’Etat de droit. De fait, ils peuvent se désigner eux-mêmes arbitres ultimes de la vie politique d’un Etat.

Certes, les Tasks Forces dépendent des gouvernements nationaux pour rendrent leurs décisions exécutoires et les relations ne sont pas toujours aisées. Elles ne sont pas toutes-puissantes.

Il n’en reste pas moins que les Task Forces sont le point de décision politique unique, actuellement, non seulement pour tout le secteur médical, mais aussi pour l’industrie pharmaceutique, et l’industrie des machines (le fameux «  génie médical  ») qui fournissent le secteur médical.

Rarement, dans l’histoire des démocraties occidentales, un petit groupe de gens a détenu autant de pouvoir, à la fois sur la santé des gens et les processus de décision politique.

Conclusion

Donc sur le plan de politique interne, la réponse des gouvernements à la crise du COVID-19 est bel et bien un fascisme (en référence à l’Italie des années 1920) sous deux aspects:

  1. La centralisation de l’Etat
  2. Le corporativisme du système sanitaire, où les Task Forces nationales sont considérées les arbitres ultimes et indiscutés de tout le secteur médical, para-médicale ainsi que des industries de support.

Le troisième critère : la fidélité des chercheurs à l’Etat

À ces deux critères de rapprochement des politiques nationales anti-COVID-19 au fascisme italien on pourrait en rajouter un troisième critère: la prétention que l’idéologie politico-sociale qu’ils véhiculent constitue l’expression de la science (perçue comme un discours incontestable) et qui permet d’empêcher la critique ou l’action politique. Il s’agissait, en effet, d’un argument typique du fascisme italien des années 1920, puisqu’ils demanda au scientifiques de prêter allégeance au Duce, Benito Mussolini.

Albert Einstein en 1931. Photo dans le domaine public

Lettre de Einstein au ministre Alfredo Rocco

Ce à quoi Albert Einstein répondit (ma traduction):

Berlin 16 Novembre 1931

Cher Collègue,

Deux des plus illustres et estimés scientifiques italiens, pris d’angoisse, se sont adressés à moi pour me demander de vous écrire afin d’éviter si possible, de cette manière, la dureté impitoyable qui menace de s’abattre sur les chercheurs italiens. Il s’agit d’empêcher une formule de serment selon laquelle il faudra jurer fidélité au système fasciste. Ma prière est que vous conseilliez à Monsieur Mussolini d’épargner cette umiliation à la fine fleur de l’intelligence italienne.

En dépit des différences entre nos convictions politiques, je sais que nous sommes d’accord sur un point fondamental: tous deux, nous considérons et aimons les conquêtes liées au développement de la pensée européenne, comme des biens supérieurs. Ceux-ci se fondent sur la liberté de pensée et d’enseignement, sur le principe que la recherche de la vérité doive prendre le pas sur n’importe quelle autre aspiration. Ce n’est que sur cette base que notre culture a pu naître en Grèce et célébrer sa renaissance, dans l’Italie de la Renaissance. Ce bien supérieur a été payé avec le sang de martyrs purs et grands, pour lesquels l’Italie est encore aujourd’hui aimée et admirée.

Loin de moi l’intention de discuter avec vous à propos de quelles interventions dans la liberté de l’homme peuvent être justifiées par la raison d’Etat. La recherche de la vérité scientifique, toutefois, découplée des intérêts pratiques quotidients, devrait être sacrée pour tous les pouvoirs de l’Etat; et c’est dans l’intérêt suprême de tous qu’on laisse tranquilles les serviteurs loyeux de la vérité. Cela est sans aucun doute dans l’intérêt de l’Etat italien et de son prestige aux yeux du monde.

Dans l’espoir que ma prière trouve votre compréhension bienveillante.

Avec mes meilleures salutations,

Albert Einstein2

Faut-il voir, dans la fidélité exigée des médecins vis-à-vis de la doxa de l’OMS et des autorités sanitaires nationales, et des Tasks Forces nationales, et dans les punitions que les différents pays cherchent à infliger aux médecins qui refusent de courber l’échine, le spectre d’un serment de fidélité? Certes ce serment, en 2020, n’est pas explicite.

Mais ce serment implicite de fidélité à l’Etat, et aux Tasks Forces nationales prend certainement le pas sur les considérations éthiques, scientifiques et pratiques des médecins, et notamment sur le serment d’Hippocrate et à la Déclaration de Genève de 19483 qui stipule ceci:

Déclaration de Genève de 1948 (extrait)

JE N’UTILISERAI PAS mes connaissances médicales pour enfreindre les droits humains et les libertés civiques, même sous la contrainte ;


  1. fascismo: Vocabolario Treccani, en ligne, https://www.treccani.it/vocabolario/fascismo/ 

  2. L’original est en allemand. Albert Einstein, The World as I see it, John Lane The Bodley Head Limited, London 1935. Cité aussi dans Sandra Linguerri, Raffaella Simili éditeurs, Einstein parla italiano: itinerari e polemiche, p.172 sur Google Books 

  3. Deux documents cités sur le site officiel du Conseil de l’Ordre des médecins (France)