Aller au contenu

Déclin du WEF: vers la fin de la société des faux-semblants ?

14 janvier 2021 (modifié le 31 janvier 2021)

Venise au XVIIIe siècle fut la ville des faux-semblants
(photo Iuliia Boiun sur Unsplash)

On dirait qu’il y a, dans l’histoire, une alternance de périodes d’authenticité sociale et de faux-semblants. La Réforme des XV et XVIe siècles fut incontestablement une tentative de retour à plus de sincérité, pour corriger les dérives d’hypocrisie qui avaient envahi l’Eglise de Rome – avant que cette dernière entame à son tour son propre chemin de renouvellement.

Les naufragés des élites sociales

La fin de l’Ancien Régime, en France, fut une de ces périodes de faux-semblants, où la forme avait fini par compter bien plus que la substance. Les gens ordinaires commencèrent à manifester leur impatience face à un système où ce qui semblait compter le plus était la naissance, et secondairement l’étendue des terres qu’on possédait. La Révolution Française fut un retour (un peu trop brutal sans doute) à l’authenticité. En dépit de tous les errements et les abus, on vit néanmoins des individus atteindre des postes à responsabilité uniquement en raison de leurs compétences.

Il en fut de même au milieu du XIXe siècle, au moment où des membres de la classe bourgeoise – industrielle – arrachèrent progressivement les rênes des gouvernements à l’aristocratie, qui professait encore des idées arriérées sur «  la bassesse  » du grand commerce, qu’elle considérait en-dessous de sa dignité. Ce fut une grave erreur, qu’elle paya par la perte de son prestige, de son pouvoir, et enfin de ses biens.

De même, la Russie d’après 1917 finit par anéantir son aristocratie, qui n’était manifestement plus à la hauteur de la tâche difficile qui lui avaient été assignée dans cet immense empire, de maintenir la cohésion sociale.

C’est ainsi encore que la fin des années 1980 balaya les dignitaires du régime communiste en Europe orientale; ces derniers, complètement dépassés découvrirent avec effroi qu’ils n’était plus que des fantoches qui agitaient les mains lors des parades militaires, des revenants d’une époque complètement révolue.

Nous vivons en ce moment une nouvelle époque d’effondrement des faux-semblants, avec la mort cérébrale d’une vieille élite. S’il y a un mérite à cette crise du COVID-19 commencée en mars 2020, c’est qu’elle a soudainement révélé, aux yeux des populations du monde, les faux-semblants qui avaient fini par envahir et ronger la société internationale (celle de l’ONU et des multinationales du modèle américain d’Après-guerre).

L’Organisation Mondiale de la Santé, qui fut dans les années 1950 un des fleurons des organisations internationales, le vainqueur de la lèpre et de la malaria, fait désormais triste figure: celle du proverbial temple de Jérusalem à l’époque de Jésus-Christ, avec tous ses marchands d’animaux et de bondieuseries.

Ce à quoi il faut ajouter ce petit club de politiciens, de jet-setters et de miliardaires arrogants, qui viennent régulièrement mettre la Suisse à feu et à sang lors de leur sortie annuelle à Davos; et qui se moquent bien des désordres, des misères et des factures que leur présence inflige à la population.

Nos références culturelles aux faux-semblants

Est-ce que les agences fiscales devraient s’en mêler?

Et il y a les miliardaires qui, en dépit de leur beaux discours semblent surtout surtout intéressés à investir pour leur profit personnel au travers de fondations soit-disant charitables pour financer le développement de produits pour des entreprises dans lesquelles ils ont investi… ou à se faire du marketing déguisé pour leurs produits, en finançant des journaux quotidiens.

Seraient-ce, en somme, des entreprises à but lucratif qui ont détourné l’institution légitime de la fondation, pour jouir de l’exemption fiscale? On continue d’espérer que les sommes immenses qu’ils auraient dû payer en impôt sur le revenu finiront tôt ou tard par attirer l’attention des agences fiscales.

Des pratiques vieilles comme le monde

Bien entendu, les «  dons  » à but superficiellement philanthropique destinés à augmenter les profits ou le pouvoir personnel ne sont pas nouveaux. Ils étaient amplement pratiqués dans toutes les sociétés anciennes, de la Chine à Rome, en passant par la Perse, l’Inde et la Grèce. La tentation a toujours eté grande, pour certains de faire avancer leurs propres intérêts personnels, en donnant l’illusion de bénéficier au bien commun. Chaque montant investi en «  charité  » rapportait ainsi (sous forme de commissions, contrats publics ou autres formes de trafic d’influence) des gains financiers considérables et l’acquisition de pouvoir politique.

Pendant longtemps, le système des fermiers de l’impôt fut d’ailleurs totalement légal; et tant que le trésor public y trouvait son compte et que le peuple pouvait vaquer à ses occupations, personne ne s’en plaignait.

C’est quand les abus devenaient excessifs, que la répression s’activait – la littérature mondiale se souvient des discours accablants de l’orateur romain Cicéron (en 70 avant notre ère) contre Verrès, le gouverneur de Sicile qui avait détourné les richesses de ce pays fertile à son profit, y-compris en spoliant des héritiers.

C’est fut ainsi que, en 1789 que des fermiers généraux furent sommairement pendus à des lanternes.

Aujourd’hui, les moeurs ont changé: le bien public et le bien privé doivent être gardés bien séparés et la justice et le fisc y veillent… en théorie. Car on dirait que cette forme de lucre qui consiste à détourner le bien public pour le profit personnel se généralise à nouveau; et ce, en dépit des efforts de lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent.

Evangiles

Jésus chassant les marchands du temple, (El Greco, env. 1600)

Les marchands du Temple (Evangiles)

[Jésus] trouva dans le temple les vendeurs de boeufs, de brebis et de pigeons, et les changeurs assis.

Ayant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du temple, ainsi que les brebis et les boeufs; il dispersa la monnaie des changeurs, et renversa les tables;

et il dit aux vendeurs de pigeons: Otez cela d’ici, ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic.

Evangile de Jean (2, 14-16)

L’OMS, ayant perdu beaucoup de sa crédibilité, est aujourd’hui prise dans la tourmente des contradictions entre experts; ses conflits d’intérêts et ses déboires avec l’industrie pharmaceutique évoquent un peu le Scandale des indulgences qui avait tant exaspéré Martin Luther (à l’époque on vendait le paradis au plus offrant; aujourd’hui il semblerait c’est la santé publique qui fait l’objet des spéculation).

Le Coran

Cela dit, l’impatience collective vis-à-vis des gens qui semblent présenter une belle façade sans substance, n’est pas limitée à l’Occident chrétien. Le Coran contient des mots d’une très grande dureté vis-à-vis des Munāfiqun, les hypocrites:

Les hypocrites (Coran)

Ils se servent de leurs serments comme bouclier et se mettent en travers du chemin d’Allah. Comme ils font du mal !

C’est parce que, en vérité, ils ont cru puis rejeté la foi. Leurs cœurs ont donc été scellés, de sorte qu’ils ne comprennent rien.

Et quand tu les vois, leur apparence t’impressionne; et s’ils parlent tu écoutes leurs beaux discours. Ils sont comme des planches adossées à des murs. Ils pensent que chaque critique est dirigée contre eux. C’est eux l’ennemi, donc prends garde à eux. Puisse Allah les confondre ! Combien ils sont dévoyés !

Et quand on leur dit: «Venez que le Messager d’Allah implore le pardon pour vous», ils détournent leur tête, et tu les vois tourner le dos en se gonflant d’orgueil.

Ce sera bien égal que tu implores le pardon pour eux ou que tu ne le fasses pas: Allah ne leur pardonnera jamais, car Allah ne guide pas les récalcitrants.

Le Coran, Sourate 63

Littérature

De nombreux auteurs décrièrent le crime du faux-semblants, notamment Michel de Montaigne (fin du XVI^e siècle), dans une citation célèbre tirée de ses Essais:

Le mentir est un maudit vice

En vérité, le mentir est un maudit vice : nous ne sommes hommes et ne nous tenons les uns aux autres que par la parole. Si nous en connaissions l’horreur et le poids, nous le poursuivrions à feu, plus justement que d’autres crimes.

Je trouve qu’on s’amuse ordinairement à châtier aux enfants des erreurs innocentes très-mal à propos, et qu’on les tourmente pour des actions téméraires qui n’ont ni impression ni suite. La menterie seule et, un peu au-dessous, l’opiniâtreté, me semblent être celles desquelles on devrait à toute instance combattre la naissance et le progrès : elles croissent quand et eux ; et depuis qu’on a donné ce faux train à la langue, c’est merveille combien il est impossible de l’en retirer ; par où il advient que nous voyons des honnêtes hommes d’ailleurs y être sujets et asservis.

Montaigne, Essais, Chapitre VII

Quand à Voltaire, il avait écrit dans son Dictionnaire philosophique:

Le zèle hypocrite et faux

Ce qu’il y a de plus déplorable en cela, c’est quand le zèle est hypocrite et faux; les exemples n’en sont pas rares. L’on tient d’un docteur de Sorbonne qu’en sortant d’une séance de la faculté, Tourneli, avec lequel il était fort lié, lui dit tout bas: « Vous voyez que j’ai soutenu avec chaleur tel sentiment pendant deux heures; eh bien! je vous assure qu’il n’y a pas un mot de vrai dans tout ce que j’ai dit. »

Voltaire, Dictionnaire philosophique, «  Zèle  »

La dominance américaine, de l’essor à la décadence

La montée de la superpuissance de l’Après-guerre

C’est ainsi que différentes époques on vu partir à la dérive (et finalement vers la perdition) ce que fut l’élite d’une société. Aujourd’hui, c’est le tour des représentants de la société internationale d’inspiration américaine qui eut son heure de gloire en 1945, au landemain de la Seconde guerre mondiale : avec l’ONU, l’OMS, les multinationales, la jet set et les miliardaires sur leurs yachts à Montecarlo ou sur une île grecque.

Dans la superpuissance des Etats-Unis on produisait de tout, en plus grande quantité et en moyenne mieux qu’ailleurs. Son industrie de guerre avait mis à genoux, celles d’Allemagne et du Japon, tout en soutenant celle de Russie. Même en URSS, on tenait pour évident que l’industrie américaine était l’étalon-or qu’il fallait égaler ou surpasser. Des automobiles au Coca-Cola, en passant par les avions, les tracteurs et les appareils électroniques, le Made in America régnait sans partage.

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, il avait fallu savoir parler comme un Français pour être une personne du monde; plus tard, il avait fallu apprendre à s’habiller comme des Anglais. Désormais il fallait penser, parler, produire et prendre l’avion comme des Américains.

L’arrivée du transistor puis l’invasion de la micro-informatique dans les années 1980 n’avait finalement pas changé grand-chose à cette situation. Tout ce qui se faisait à New York, Boston, Chicago, ou en Californie était systématiquement considéré mieux qu’ailleurs. Il fallait avoir étudié aux Etats-Unis, travaillé aux Etats-Unis et il fallait en rapporter la «  modernité  ».

Hollywood dominait le cinéma mondial… et le gouvernement français était contraint de passer des lois pour éviter que les programmes télévisés founissent autre chose que des films ou des séries américaines.

Aujourd’hui: le géant de papier

Avançons rapidement de quatre décennies et que trouve-t-on aujourd’hui? Quand est-ce la dernière fois que nous avons vu le label Made in America sur un produit manufacturé? L’industrie automobile de Detroit est sinistrée; l’atmosphère de désolation de la ville rappelle certaines villes européennes des années 1980, au moment de la fermeture des mines, des aciéries et des chantiers navals.

Quand à la culture, la suprématie de la chanson américaine en Europe n’avait jamais été totale (la chanson anglaise et continentale y avaient toujours été très fortes). Aujourd’hui, elle a bien entamée Même si le style s’est internationalisé, on n’exige plus qu’une superstar soit américaine et elle peut très bien être coréenne.

Hollywood, noyé par sa passion pour le computer graphics semble pris d’une crise de créativité sérieuse. Ses artisans ne sont plus capables que de ressasser les même scénarios de super-héros pour la centième fois, et de faire des remakes de grand succès du passé.

Hollywood, c’est devenu le faux-semblant poussé à l’extrême : même les situations inventées et les émotions fabriquées par les acteurs sont devenues tellement chiquées, qu’on n’arrive même plus à en faire une mise en scène crédible. Le spectateur ne parvient même plus à suspendre volontairement son incrédulité face à des images d’ordinateur en mouvement, d’où l’authenticité de l’être humain est devenue quasiment absente.

Le dernier fleuron américain de l’industrie high tech – Apple – fabrique l’essentiel de ses pièces en Asie du Sud-Est: en Corée du Sud, à Taiwan et surtout, en Chine continentale.

Un système politique putréfié, une classe dirigeante matérialiste

Et politiquement ? Les Etats-Unis, qui furent un laboratoire du gouvernement républicain, avaient forcément essuyé les plâtres, au niveau constitutionnel. Et cela se ressent aujourd’hui, avec l’édifice chancelant de leur Constitution de 1788: imparfaite, incomplète, souvent amendée, et qui n’a jamais été remaniée. Essayer de faire vivre une nation moderne avec un édifice constitutionnel vétuste qui date du XVIIIe siècle, c’est garder plus d’un siècle de retard, au niveau politique, sur le reste du monde. Et se forcer à vivre ainsi dans de l’ancien, c’est se priver inutilement des conforts et des sécurités du monde moderne.

Le résultat, on peut le contempler: des élections présidentielles menées à la va-comme-je-te-pousse, avec tant de complications inutiles et de défauts dans le système que plus personne ne s’y retrouve vraiment… et les soupçons de manipulation vont bon train. Au point que Washington a vécu des instants qu’on croyait réservés aux républiques bananières de l’Amérique latine des années 1970: où la populace a pris d’assaut le parlement pour exprimer son ras-le-bol vis-à-vis des injustices, du laisser-aller et de la corruption.

Bien que le pays soit encore ostensiblement religieux – en tout cas si on juge le nombre extraordinaire de lieux de cultes – il est devenu un des plus matérialistes du monde. Il semble qu’on y régresse de plus en plus vers les valeurs bourgeoises de la Révolution industrielle du XIXe siècle. Aujourd’hui il faut coûte que coûte aspirer à être «  une personne de bien  »: c’est-à-dire que la valeur d’un être humain se juge exclusivement à son compte en banque et à ses possessions matérielles.

Il fut une époque ou pour être Président des Etats-Unis, on était censé avoir été un bon citoyen et avoir gagné honnêtement sa vie. Aujourd’hui c’est fini: il a fallu avant tout amasser de l’argent; beaucoup d’argent. Et la façon dont on s’y est pris (qu’on l’ait gagné, volé ou reçu de ses parents) n’a guère d’importance, car les zéros sur le portefeuille tiennent toujours plus lieu d’onction divine. La valeur n’est plus dans la qualité humaine de la personne; elle est désormais dans ses biens.

Un criminel trouvera plus facilement sa rédemption, dès lors qu’il pourra proposer une belle transaction financière qui ira remplir le Trésor public (lequel le virera aussitôt à des ministres pour que l’argent aille bénéficier quelques compères qui obtiennent, grâce aux habituels trafics d’influence, les commandes de marchés publics).

Un homme riche sera donc toujours un grand homme, par définition. Même si ses discours philosophiques sont superficiels et ses projet sont ineptes, la presse l’encensera comme un bienfaiteur potentiel de l’humanité, qui sera sans doute sanctifié après sa mort; et ce, en vertu même de sa richesse, qui lui tiendra de lieu de justification morale et de certificat d’authenticité.

La société des apparences et de l’hypocrisie

À nouveau, c’est l’apparence de l’oligarque qui compte, sous forme de la villa, la piscine, le portefeuille d’actions et les belles voitures. Et bien entendu, les femmes les plus dotées lui seront destinées, à faire bonne figure durant les réceptions et dans les meetings politiques. Elles serviront aussi à réchauffer son lit: de sorte que tout un pays continue de favoriser, par une sorte de logique d’eugénisme implicite, la primauté de l’argent (détenu bien entendu surtout par des hommes, préférablement blancs) sur le mérite individuel de ces membres de «  l’élite  »; et ce, même s’ils sont socialement ou professionnellement inaptes.

De la même façon qu’Elena Ceaucescu, la femme du dictateur roumain, avait reçu sa thèse de doctorat en chimie alors qu’elle n’en avait manifestement pas les compétences; une dynastie bourgeoise américaine continue de placer ses rejetons dans des universités Ivy League, grâce aux promesses de dons bien placées, ou de patronage politique. Sorte de noblesse féodale, ces privilégiés laissent aux trois cent millions d’Américains restants, qui poursuivent l’authentique Rêve Américain, le statut de faire-valoir dans la course au pouvoir et aux honneurs. Celle-ci est tellement truquée, que les braves gens n’ont jamais eu qu’une chance infime de la gagner.

Après quoi les oligarques (qui ont désormais souvent plus de soixante-dix ans et poursuivent leur carrière confortable en bloquant l’avancement de leurs cadets) revêtent leurs oripaux de bienfaiteurs de l’humanité. Ils s’empressent de soutenir, au cours de meetings politiques, des thèses contemporaines de justice sociale auxquelles ils ne comprennent sans doute pas grand chose et dont ils se moquent. Ils font monter sur scène des femmes qu’ils n’ont jamais considéré autrement que des animaux reproducteurs et qu’ils nous exhibent comme en foire. Et ils prétendent se préoccuper du sort de personnes à la peau foncée qu’ils continueront toujours de considérer comme des laquais – comme si Dieu avait donné le monde en partage à une poignée de colonisateurs blancs qui n’auront jamais eu besoin de gagner honnêtement leur vie, en raison de leur peau, de leur sexe, de leur naissance et bien sûr du compte en banque.

Qu’ils se professent (par opportunisme) Républicains ou Démocrates, ces hypocrites tiennent trop à leurs privilèges ancestraux et leurs sources de profits par la politique, pour vouloir réellement changer quoi que ce soit au sort des Américains. Que ces vieilles badernes décadentes, qui ont vécu dans le luxe et la sécurité, sont loin des pionniers de l’Amérique, des fameux bourgeois industriels qui évincèrent l’aristocratie, et des fondateurs de la suprématie américaine du XXe siècle !

Oh, certains peuvent bien mettre en avant leur succès en affaires. Ne sont-ils pas miliardaires, n’ont-ils pas dirigé des empires ? Mais est-ce qu’ils auraient vraiment obtenu tout cela sans leurs privilèges familiaux, l’école prestigieuse qu’ils ont tous fréquentée, et les avantages politiques et sociaux qui ont automatiquement échu à leur petite caste coloniale depuis des décennies? Ceux qui parlent en public représentent peut-être ce qui se fait de mieux… dans cette toute petite minorité de la population, qui a été soigneusement protégée des difficultés de la vraie vie, et à qui on a soigneusement préparé le terrain pour la réussite.

Au vu de cela, la part de mérite personnel de chacun devrait être reconsidérée. Et on ne voit pas en quoi l’autorité morale de fils-à-Papa qu’on a envoyés étudier à grand frais dans une Alma Mater chic (avec la connivence plus ou moins active des commissions d’entrée) devrait excéder celle des multitudes de sans-voix, qui doivent faire des kilomètres à pied chaque jour pour tenter de grapiller quelques sous qui serviront, tant bien que mal, à nourrir leur famille ?

Le seul reproche qu’on puisse vraiment faire à la majorité d’Américains qui vivent et travaillent honnêtement, en rêvant qu’ils seront un jour récompensés de leurs efforts au Pays de la Liberté, est le suivant: qu’ils continuent à supporter ces parasites sociaux en col blanc, qui trahissent chaque jour les valeurs qui ont construit leur nation… tout en tenant des discours pompeux sur des sujets de politique nationale ou internationale, auxquels ils ne comprennent d’ailleurs pas grand chose.

Il y a la un excès d’arrogance, chez ce petit club de ci-devant de la bourgeoisie, qui parlent nonchalamment de l’avenir du monde à l’occasion de dîners chics dans les hôtels ou au World Economic Forum; et une attitude de mépris et d’injure vis-à-vis du reste de l’humanité. Ainsi qu’un aveuglement sur le destin tragique qui les attend, lorsqu’ils seront évincés du pouvoir et perdront leur statut social.

En ce jour-là, ils ne pourront attendre aucune miséricorde, ni en ce monde ni dans l’au-delà… come les aristocrates de l’Ancien régime, les nobles de la Russie tsariste, ou la Nomenklatura de l’époque soviétique.

Au passage les Etats-Unis et la Russie se sont retrouvés au coude à coude, dans cette course pour remettre en vigueur les vieux stéréotypes aristocratiques fondés sur les privilèges acquis par la naissance, avec tout ce que cela comporte de préjugés de caste, de sexe, de religion et de race. Et d’aucuns en Europe voudraient leur emboîter le pas ?

Une société soit-disant humaine, mais impitoyable

Les Etats-Unis, ayant refusé (peut-être avec raison) le modèle social-démocrate de l’Europe n’ont pas réussi à se doter d’un système de couverture sociale correct, ce qui fait un pays impitoyable avec ceux qui connaissent la misère : malheurs aux vaincus ! est la devise qui semble gouverner toute la société. Et également le bon principe de la politique de palais: pas vu, pas pris.

Et dans ce pays où la bonne foi n’est pas un principe de droit civil, ce qui compte avant tout est l’apparence; et on préfèrera souvent faire un détour, pour ne pas voir ou entendre ce qui se passe derrière quatre murs.

La montée de cultures plus substantielles

L’industrie reste encore ce qui compte

Et la finance? Les Etats-Unis ont beau se vanter d’avoir un marché boursier considérable: ce n’est qu’un faux-semblant de plus. La production industrielle de la Chine a remplacé le Made in America; les conséquences n’en sont pas que sur le commerce international, ou sur l’emploi dans les villes américaines.

L’histoire récente montre que les guerres sont en général gagnées de deux façons :

  • Soit par l’avant: c’est-à-dire emportées tambour battant par une excellente armée, en quelques semaines et de façon à briser net l’esprit de l’adversaire.

  • À défaut, elles doivent être gagnées par l’arrière, c’est à dire par l’endurance: par les nations qui auront eu l’industrie la plus productive, et un réservoir de population, d’espace et de ressources naturelles, qui permettra de tenir l’effort de guerre plus longtemps et mieux.

Et c’est là, paradoxalement, le talon d’Achille des Etats-Unis à notre époque. Le Japon l’avait appris à ses dépends après l’attaque de Pearl Harbor en 1942, même si sa flotte et son aviation navale avaient été – pour un bref instant – ce qui se faisait de mieux au monde.

La situation n’est guère plus encourageante pour les les Etats-Unis en 2021. Si les choses en arrivaient là avec la Chine,il pourraient faire la même expérience effrayante que le Japon, s’ils n’arrivaient pas à emporter un conflit en quelques semaines. Isolés de leurs alliés historiques, sans la capacité industrielle, et en infériorité sur le plan des ressources naturelles et de la population, ce serait pour eux la défaite ente mais inexorable, dans une guerre d’usure, avec l’invasion étrangère du territoire national au bout du chemin. Sans une industrie nationale puissante, toutes les résolutions, tous les plans, tous les héroïsmes, voire les sacrifices personnels de la fine fleur du pays, seraient en pure perte.

On ne parle d’ailleurs même pas ici de high tech, c’est-à-dire la capacité de produire des avions, des chars ou des canons en quantité suffisante. Non: on se demande comment les Etats-Unis, qui ne savent aujourd’hui presque plus produire d’habits, d’ustensiles de ménage ou de voitures, pourraient trouver le moyen de combler les pertes de leur armée et la rééquiper en matériel de base tel que bottes, uniformes, fusils et camions, après quelques semaines seulement d’une guerre destructrice.

Et les fiers dirigeants d’un pays qui n’avait jamais été envahi depuis 1812, pourraient – s’ils poursuivaient leurs imprudences – avoir à courber le dos et s’humilier en murmurant «  oui Monsieur  », face à des occupants qui les traiteront comme des enfants à rééduquer.

Authencité chinoise ou coréenne ?

En Asie, la Chine vit une période d’authencité, dans une certaine mesure: sa population est si bien occupée à produire plus et mieux, et accéder aux biens matériels et à un niveau de vie plus élevé, que les droits politiques ne sont pas sa priorité. Son gouvernement, qui a eu l’intelligence de comprendre cette aspiration, n’est pourtant que dans une sécurité provisoire.

En effet, que se passera-t-il quand une grande partie de la population aura accédé à la prospérité ? Si les révoltes des années 1968 et les conflits sociaux des années 1980 en Europe sont une indication, alors les Chinois comblés finiront par se tourner vers de nouvelles aspirations, qui seront cette fois sociales, politiques, voire culturelles ou spirituelles.

Et on plaint d’avance le gouvernement conservateur de Pékin, qui risquera de transformer ces aspirations (comme l’ont fait la plupart des autres gouvernements conservateurs avant lui) en revendications insatisfaites, en frustrations, puis en révoltes qui pourraient destabiliser le régime – et qui pourraient à terme le remplacer par un système un peu moins monolithique, qui laissera s’exprimer les différents aspirations populaires. A moins (qui sait), que le régime chimois fasse sagement sa propre réforme, comme il l’avait déjà fait après la chute de l’Union soviétique: en lachant du lest et en préférant sacrifier une partie de son idéologie, pour survivre et se gagner quelques décennies de survie.

Sur un autre plan, on dirait que la Vague Coréenne (le Hallyu) soit devenue une locomotive de la culture de masse de l’Asie du Sud-Est depuis quelques décennies, après avoir succédé aux productions japonaises des années 1980. Dans les dernières années, les productions de séries télévisées coréennes envahissent désormais même l’Europe, grâce à la vidéo à la demande (l’opérateur Netflix).

L’attrait de cette production pour un public en Occident, tient peut-être au vide qu’y a laissé la production américaine: la Corée amène des scénarios mieux travaillés, un bon jeu d’acteurs, ainsi que des images bien construites qui soutiennent l’action sans l’étouffer. Mais aussi et surtout, elle véhicule des valeurs subtantielles du Confucianisme (l’équité, le souci de l’autre, l’amour, la réussite par le travail honnête, la confiance entre amis, le respect des anciens, etc.) qui sont finalement plus proches de valeurs ancestrales de l’Occident, que le consumérisme (la superficialité de l’apparence physiqueet sociale) promu par les majors des Etats-Unis après la Seconde guerre mondiale. Même si cela peut paraître paradoxal, l’explication du succès du Hallyu se trouve dans le fait qu’il satisfait des besoins émotionnels occidentaux plus profonds, qui avait été négligés par l’industrie américaine du divertissement.

Vers la fin du toc ?

De l’indutrie de la fiction visuelle à celle des médias, il n’y a qu’un pas. Là où l’écroulement des échafaudages de faux-semblants est le plus évident, c’est dans ce monde-là. Il semble de plus en plus évident, pour une grande part du public, que ce que les chaînes de télévision, les radios et les journaux d’information présentent comme «  l’actualité  », est de plus en plus un monde psychédélique, d’où la réalité est devenue complètement absente.

Des politiciens ou affairistes ignorants et indécis, se font maquiller pour passer devant les caméras, pour y lire des discours écrits par d’autres, et qu’ils ponctuent de mimiques convaincues.

Quant à leurs idéologies politiques ? Le communisme est mort à la fin des années 1980, dans la débâcle de l’Union soviétique. Le gouvernement de la Chine utilise encore ce mot; mais ce n’est plus qu’un faux-semblant auquel personne, sauf les acteurs de télévision, ne prête attention (dans les faits la Chine n’a fait que restaurer le système impérial traditionnel, qui avait de tous temps favorisé le commerce et l’industrie).

Le soit-disant «  libéralisme  » d’exportation à l’américaine n’est plus qu’un mot trompeur qui a perdu tout son sens. Rempart contre l’Union soviétique jusqu’en 1990, il n’a plus désigné après cela qu’une idéologie néo-coloniale fondée, sur des pratiques d’enrichissement d’actionnaires par le biais d’une poignée de multinationales cotées à New York. Celles-ci ont continué d’influencer les Etats étrangers, de soutenir des monopoles autoritaires, d’acheter des élites nationales au comptant ou à terme, et intervenir dans les affaires quotidiennes des nations; quitte à provoquer les Etats-Unis à des guerres (toujours dans des pays étrangers) pour augmenter leurs commandes et leurs profits…

Tout cela n’a été au fond qu’un système d’enrichissement personnel fondé sur une flotte, une aviation et une armée de terre, qui se sont prétendus au service de la paix, mais qui en réalité ont servi à faire plier tout «  allié  » dès qu’ils se révoltait. Autrement dit, ce «  libéralisme  » n’est qu’une idéologie politique autoritaire fondée sur le mensonge, la peur, la corruption, et une abondance d’êtres humains «  inférieurs  » à exploiter.

Distinguer l’authentique du toc

Rien de tout ce qui précède n’a pour but de remettre en question les valeurs authentique du peuple américain, qui ont amené un peuple de pionniers à puissance où il est arrivé au milieu du XXe siècle.

Ce qui a fait la grandeur de ce pays est un rêve d’un monde meilleur, des valeurs d’égalité sociale, de chances pour tous en fonction du mérite de chacun, et la conviction que chaque citoyen pourrait un jour avoir la fieré de se payer lui-même (sans l’aide de qui que ce soit), l’essentiel pour sa famille et pour lui-même, et même assurer leur sécurité et leur confort matériel.

Ces valeurs existent heureusement encore dans la population, et on célèbre encore, en Europe, des valeurs de travail et de service qu’on retrouve aux Etats-Unis. Mais ces valeurs ne sont souvent plus dans les entreprises multinationales et des grandes villes; on les retrouve encore surtout dans les cafés et les Mom and Pop Shops (les fameux «  magasins de Papa-Maman  » dans les petites villes provinciales).

L’Amérique qui «  triomphe  » aujourd’hui est celle des barons voleurs, de la ségrégation, de l’hypocrisie sociale; de privilégiés qui ne ressemblent même pas à leurs ancêtres, qui ne rêvent que de vivre leur vie de riches désoeuvré sans rien faire de leurs deux mains, tout en exploitant une foule de laquais.

Ce n’est rien d’autre que le rêve des bourgeois du XIXe siècle qui jalousaient les grandes familles nobles, et qui rêvaient naïvement de les remplacer. L’ironie est que cette représentation mentale n’a jamais été qu’une affreuse caricature.

Mais voilà, les grandes dynasties bourgeoises américaines font survivre, à travers leurs rêves d’ascencion sociale, tout ce que l’humanité a détesté et méprisé dans l’Ancien Régime en Europe. Et ce que la Chine, la Corée et le Japon avaient aussi fini par rejeter comme intolérable.

Conclusion

Marx et Lénine semblent avoir eu raison sur un point…

Je n’ai jamais apprécié Karl Marx, dont j’ai toujours trouvé les idées sur l’économie absurdes et mécaniquement indéfendables.

Et je n’ai jamais aimé Lénine, qui me semblait plus mû par un désir de vengeance contre la noblesse russe, que celui de rebâtir un monde meilleur. Son idée qu’il faudrait une révolution pour purger tout le monde des péchés de la noblesse et de la haute bourgeoisie me semblait odieuse et injuste: le bon peuple de Russie n’avait-il pas déjà trop souffert comme cela, sans qu’on y rajoute encore?

Par contre, je peux maintenant mieux comprendre Marx et Lénine, quand il parlaient de la dégénérescence des élites bourgeoises de leur époque. Parce que la moutarde me vient aussi au nez, parfois.

De l’important d’avoir de vraies élites

Pour ma part, je n’ai aucune objection à l’existence de classes sociales dominantes dans une société humaine, ces fameuses élites dont le seul nom donne des frissons aux bien-pensants, qui font promptement des signes de croix (ou je ne sais plus quel geste d’exorcisme est aujourd’hui à la mode). Ce qui était en cause, n’était fondamentalement ni l’aristocratie, ni la bourgeoisie.

La raison est pragmatique: les êtres humains ont beau vouloir leur liberté, ils aiment aussi avoir des gens à suivre, qui les inspirent sur leur chemin. Et il serait bien commode pour les citoyens ordinaires, chaque fois que des problèmes compliqués surviennent (comme une dispute avec un Etat étranger, ou la construction d’une nouvelle salle omnisports), de ne pas être obligés de reposer leurs outils, se changer, et courir au sénat pour se mettre au courant de tous les tenants et les aboutissants. Une bonne élite serait pratique dans ses cas là.

Que cette élite bénéficie d’un peu plus d’argent, d’honneurs et de pompe que le reste: bah, qu’ils aient un peu de bon temps, en échange de leurs fatigues.

Mais là où les citoyens se fâchent tout rouge, c’est quand les membres d’une élite sociale rentrent dans une logique de privilèges: qu’elles pensent que tout ce qui les définit, c’est les honneurs, l’argent, etc. Et qu’elles refusent ensuite de faire correctement leur job, sous prétexte que c’est en-dessous de leur dignité. Parce que dans ce cas là, ce ne sont plus des élites, mais des bouches inutiles à nourrir.

Exit le WEF

Et oui: qui sont vraiment ces quidams qui sont venus se pavaner au World Economic Forum et qui, une fois de plus, ont mis la Suisse à feu et à sang en imposant leur présence nauséabonde à notre pays? Comme chaque année, ils sont venus monter leur chapiteau de cirque; et dans leur arrogance et leur mépris, ils se moquent des malheurs qu’ils amènent à la population, ainsi que des blessures aux forces de l’ordre.

Pourquoi le citoyen ordinaire méprise-t-il et déteste-t-elle les membres du WEF avec autant de véhémence? Pour la raison qu’ils sont une élite à la manque: ce sont des gens qui vivent dans l’idée de leurs privilèges de la famille, de l’université ou de la richesse. Et qui croient que cela leur donnerait désormais le droit de se comporter comme des satrapes – comme même un marquis du XVIIIe siècle n’aurait pas osé faire.

Les membres du WEF, ce ne sont pas uniquement des semeurs de troubles récidivistes, qui ont démontré maintes fois qu’ils représentent un danger pour la sécurité intérieure de la Suisse – et qui pour cela devraient être interdits de séjour1.

Subjectivement, pour la population, ils ne représentent plus que des surnuméraires, des parasites sociaux, des fils à Papa, des privilégiés qui volent le pain de la bouche de la majorité des gens; des importuns venus dans la station chic de l’Engadine pour voir et se faire voir. Bref: un échantillon disparate de ce que la planète produit de moins utile et de plus dérisoire, au sein de l’humanité.

Vous n’avez pas tort…

Et leur idole du «  Big Reset  » ? Que voulez-vous en dire? Leur naïveté fait pitié…

Tout cela pour dire, cher lecteur, que si vous trouvez que ces quelques personnages du WEF se donnent un peu trop d’airs, vous n’avez pas forcément tort.

Le monde de demain appartiendra à ceux qui sont prêts à vraiment travailler de leurs deux mains. Appartenir à une élite politique ou sociale, c’est un job à plein temps. Ce n’est pas forcément une partie de plaisir ponctuée de réceptions mondaires.

Ceux qui sont assez fous pour vouloir y aller et se coltiner une telle responsabilité, devraient d’abord songer aux engagements que cela représente. Ainsi qu’à la pénalité, pour ceux qui ont non seulement échoué trop souvent à atteindre leurs objectifs, mais en plus refusé de quitter courtoisement la scène.

Songeons encore une fois à la Terreur française de 1792, au Printemps des peuples de 1848, à la Révolution russe de 1917, ou encore l’Automne des peuples 1989 qui balaya les régimes communistes d’Europe de l’Est.

Le soviet de Petrograd, 1917

Notre monde doit changer

L’ère du World Economic Forum, c’est fini

On espère que les ci-devant du WEF, ces derniers survivants du monde colonial de 1945, auront le bon goût de comprendre que c’est fini : la planète ne les veut plus.

Et que cela commence à sentir sérieusement le roussi autour d’eux. On émet le voeu qu’ils feront la chose juste et bonne: qu’ils tireront élégamment leur révérence, en s’abstenant de causer plus d’émeutes, de désordres sociaux et de misères qu’ils l’ont fait jusqu’ici. Et on peut prévoir que s’ils refusent de s’incliner, la postérité leur adossera (à juste titre) la faute de tous les malheurs qui s’ensuivront.

Notre société doit se renouveler, mais pacifiquement, en conservant ce qu’elle apprécie d’elle-même. Les Lumières, l’Etat de droit, la démocratie, la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Constitution et au nom de Dieu tout-puissant, amen ? Tout cela nous convient, merci. Nous ne souhaitons surtout pas changer ce programme.

Mais comme cela s’est déjà produit de nombreuses fois au cours de l’histoire, l’humanité a besoin de se renouveler en promouvant de nouvelles élites, qui sortiront directement du rang. Parce c’est désormais là que se trouvent les véritables compétences.


  1. Au sens de l’art. 62 al. c. de la Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration